Eugyppius: La coalition "feu tricolore" était déjà morte un an avant son effondrement
L'Allemagne, épitomé de l'Occident ?
Le texte qui suit est la traduction d’un entretien en anglais qu’Eugyppius a bien voulu nous accorder.
Et non, nous n’avons pas interviewé un moine du Vème siècle. Eugyppius est le nom de plume d’un philologue allemand qui écrit des choses fascinantes sur le Covid, la politique allemande, l’université, la science et sur l’inquiétante dérive des régimes libéraux occidentaux de l’après-guerre vers une nouvelle forme d’autoritarisme. Eugyppius écrit sous un nom de plume parce que l’Allemagne est sans doute la pointe avancée de ce qu’on pourrait appeler un libéralisme autoritaire. Il va jusqu’à dire que les gouvernements allemands ont entamé depuis le COVID un processus de recréation de la défunte République Démocratique d’Allemagne (RDA), allant jusqu’à criminaliser la critique des politiques du gouvernement.
Le podcast en anglais est ci-dessous.
Pascal Clérotte :
Notre invité aujourd’hui est Eugyppius. Nous discuterons de la situation politique en Allemagne, la banqueroute de l’Université, des “head girls” et de comment le parti vert allemand est devenu un parti de vieilles maitresses d’école.
Renaud Beauchard :
Bonjour, Eugyppius et Pascal. Nous sommes très, très heureux d’accueillir Eugyppius comme invité du podcast. Nous sommes très honorés, car son Substack est sans conteste un des blogs les plus pertinents à l’échelle du monde entier. De surcroît, Eugyppius occupe une place très privilégiée, car il est l’un des rares Allemands à écrire en anglais sur la vie politique intérieure allemande et, nous le verrons, sur ses acteurs les plus burlesques. Cela en fait un blog particulièrement important qui a en outre été, à titre personnel, un compagnon essentiel pour traverser les années de plomb du COVID. Nous sommes donc ravis de vous avoir avec nous.
Compte tenu de votre statut d’inconnu vis-à-vis du public français, je voudrais commencer par quelques mots d’introduction. Eugyppius écrit le blog Eugyppius: A Plague Chronicle, où il publie principalement sur les affaires courantes en Allemagne, ainsi que sur des sujets politiques et historiques plus larges, diverses théories du complot et les absurdités du monde académique moderne. Ce blog a commencé comme une chronique de la pandémie du COVID, puis il s’est diversifié. À l’heure actuelle, je dirais que la plupart des textes publiés sur le blog concernent la vie politique en Allemagne, avec récemment un regain d’attention, et pour cause, pour les États-Unis.
Nous reviendrons sur ce dernier sujet, mais peut-être Eugyppius, commencerons-nous par une question sur la situation actuelle en Allemagne après l’implosion de la coalition “feu tricolore”. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe et ce à quoi nous pouvons nous attendre dans les prochains mois ?
Eugyppius :
Bien entendu. Avec plaisir. Avant cela, je tiens à vous remercier pour l’invitation à venir à discuter avec vous aujourd’hui. C’est un grand plaisir d’être en votre compagnie.
Premier gouvernement de l’ère post-Merkel, la coalition “feu tricolore” a été élue en 2021, au beau milieu de la pandémie. Lors du scrutin, la CDU (Union des démocrates chrétiens d’Allemagne), c’est-à-dire notre parti de centre-droit, avait réalisé une médiocre performance dans les urnes. C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée devancée par les sociaux-démocrates du SPD. Cependant, ce dernier parti et son allié naturel, le parti Vert (Grüne) n’ayant pas obtenu suffisamment de suffrages pour avoir à eux-seuls la majorité absolue au Bundestag, ils ont dû former un accord de coalition avec le parti ordo-libéral FDP (Parti libéral-démocrate), un parti économiquement libéral.
Nous nous sommes donc retrouvés gouvernés par une coalition à trois. Mais le FDP étant un parti privilégiant la modération fiscale, des désaccords sont très vite survenus, avec le SPD, qui voulait augmenter les dépenses, mais surtout avec les Verts avec leurs projets coûteux liés à la transition énergétique. La partie de la coalition favorable à la hausse des dépenses a donc entrepris de réemployer les fonds d’urgence non dépensés alloués dans le cadre de la crise du COVID afin de financer leurs projets, sans pour autant dépasser le plafond de la dette inscrit dans la constitution. Cet édifice s’est effondré lorsque la Cour de Karlsruhe a jugé cette réallocation anticonstitutionnelle, il y a environ un an. À partir de ce moment-là, la coalition a perdu toute raison d’être, parce qu’elle ne pouvait financer aucun de ses projets.
Ce gouvernement était donc mort pendant une année entière avant que son impopularité record, la plus grande depuis 1949, c’est-à-dire depuis que nous avons des sondages d’opinion, n’entraîne sa chute. La pression de l’impopularité était trop grande pour que l’édidice puisse tenir, et la première victime a été le FDP, qui a perdu énormément de soutien populaire. Il se pourrait que le FDP soit irrémédiablement atteint, et doive se résigner à n’être plus guère qu’une force politique régionale, jouissant d’une représentation uniquement dans les länders de l’ouest du pays. Le FDP était un parti national qui a été très gravement atteint par sa participation à la coalition “feu tricolore” à tel point point que la seule issue possible était de provoquer son exclusion de la coalition. Olaf Scholz a finalement donné le coup de grâce à la coalition en renvoyant les ministres du FDP il y a quelques semaines.
Nous avons maintenant un gouvernement de facto minoritaire composé du SPD et des Verts, jusqu’au vote de confiance prévu le 16 décembre. Ensuite, il y aura probablement de nouvelles élections à la fin février. Voilà, en résumé, ce qui se passe.
Renaud Beauchard :
Vous venez de mentionner la décision de la Cour de Karlsruhe, qui montre que, tout comme en France, la coalition “feu tricolore” n’avait plus d’argent à dépenser et essayait de faire passer un paquet économique d’urgence, soi-disant motivé par la guerre en Ukraine. Cela illustre ce que vous appelez une politique d’urgence hystérique. Vous parlez même du caractère hystérique de la politique comme une force d’inertie. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus sur ce paquet économique tenté par la coalition ?
Eugyppius :
Avec plaisir. La seule manière de contourner le plafond de la dette est de déclarer un état d’urgence. C’est pourquoi ils voulaient réutiliser les crédits d’urgence COVID, que Merkel était parvenue à faire voter, mais n’avait jamais employés. 60 milliards d’euros non dépensés : un vrai pactole. L’aubaine était trop bonne. La nouvelle coalition a donc voulu mettre la main dessus.
Mais la cour a mis le haut là en jugeant que les crédits d’urgence autorisés pour faire face à la pandémie ne pouvaient être réaffectés [au profit d’un Fonds pour le climat et la transformation de l’économie (KTF) NdT]. C’est illégal, contraire à la constitution, a jugé la Cour. Scholz et ses alliés verts ont alors envisagé de déclarer une urgence liée à la guerre en Ukraine afin de contourner le mécanisme de frein à la dette. C’est ce qui a donné le coup fatal à la coalition.
Scholz a en effet demandé à son ministre des finances, Christian Lindner, qui est aussi le chef du FD, d’accepter son plan de déclarer une nouvelle urgence causée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela aurait permis de contourner le frein à la dette. C’est comme ça que Lindner a fini par être limogé par Scholz, parce qu’il a refusé le plan d’urgence.
Il est douteux que la manœuvre soit bien fondée en droit car la guerre en Ukraine est dans sa troisième année, et aucune urgence de la sorte n’a été déclarée lorsque le conflit a éclaté. Il est donc très improbable que la Cour de Karlsruhe valide la manœuvre. Et j’estime que Lindner a raison de douter que ça puisse passer. Ce serait à coup sûr invalidé et déclaré anticonstitutionnel. C’est néanmoins cette prudente hésitation qui a mené à son départ du gouvernement.
Mais vous avez raison, ces gouvernements semblent plongés dans un état d’urgence permanent depuis 2020, qui n’a jamais été levé. Nous allons d’urgence en urgence et de crise en crise. Pour cette raison, il ne peut être exclu que le prochain gouvernement, après février, tente également de déclarer une urgence liée à l’Ukraine pour des raisons budgétaires.
Pascal Clérotte :
Quelle est votre opinion sur ce qui pourrait se passer s'il y a des élections générales en février ? Qui va les remporter ? Quel type de coalition pourrait émerger ?
Eugyppius :
Eh bien, pour l’instant, le parti en tête dans les sondages est à nouveau l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Nous observons donc une situation assez normale dans les sondages, à ceci près qu’Alternative für Deutschland (AfD), le parti d’opposition populiste de droite, est à un étiage assez fort dans les sondages, se situant autour de 17 à 20 %. La CDU est quant à elle autour de 32-33 %, ce qui est assez élevé. S’ils se maintiennent dans ces eaux-là, je pense qu’ils n’auront besoin que d’un seul partenaire pour former une coalition.
Il y avait un peu d’incertitude au moment de la chute du gouvernement quant à savoir si cela fonctionnerait ou si la CDU aurait besoin de deux partenaires. Mais je pense qu’en ce moment, si rien ne change, un seul partenaire ne soit nécessaire. Et malheureusement, cela semble être soit les sociaux-démocrates, soit les Verts.
Je pense cependant qu’il est probable, pour notre plus grand malheur, que ce soit les Verts. J’essaie de le souligner depuis un moment, il y a eu beaucoup de manœuvres en coulisses, dont on parle surtout en dernière page des journaux proches du CDU, comme le Frankfurter Allgemeine. Depuis quelques mois, des réunions secrètes se tiennent régulièrement entre le candidat à la chancellerie Friedrich Merz et des membres du parti des Verts.
Il y a eu beaucoup de discussions préliminaires au sujet d’éventuels accords de coalition avec les Verts, sur la manière dont cela pourrait fonctionner. Merz a fait de nombreuses déclarations calculées en public, affirmant qu’il ne reviendrait pas sur l’essentiel des politiques impopulaires des Verts. Il est même fait état d’une résolution interne au CDU sur le fait que le future coalition maintiendra le cap des politiques de transition écologique des Verts. Il s’agirait seulement de leur donner une apparence plus libérale sur le plan économique.
Par conséquent, le terrain a déjà été préparé pour une coalition avec les Verts. Et en ce moment, Merz apparaît dans des émissions télévisées et autres médias, proférant des propos pleins d’optimisme sur une coalition avec eux, et ne ménageant pas ses attaques vis-à-vis d’autres politiciens d’une manière qui suggère qu’il ne veut vraiment pas de coalition avec les libéraux-démocrates (FDP) ou qu’il considère également une coalition avec les sociaux-démocrates comme un pis-aller. Au moment présent, il semble donc que nous nous dirigeons tout droit vers un gouvernement noir-vert, avec le CDU d’un côté et les Verts de l’autre, ce qui est, à mon humble avis, l’une des pires combinaisons possibles. Mais d’autres que moi pensent différemment.
Renaud Beauchard :
Oui, ce n’est évidemment pas ce que le peuple allemand semble vouloir. Mais en fait, cela ressemble beaucoup à la tentative, de la part de Macron, de générer une sorte de coalition de front républicain, nommée pacte de non censure, à la seule fin d’exclure le Rassemblement National et La France Insoumise. Nous voyons les mêmes forces à l’œuvre outre Rhin. La question que je me pose est de savoir s’il est possible en Allemagne d’imaginer qu’il puisse y avoir un gouvernement sans les Verts dans la coalition. Je trouve cela tellement sidérant d’avoir les Verts, qui sont fondamentalement responsables de l’immense désastre actuel dans la politique économique allemande. Pour ajouter de l’huile sur le feu, vous avez sans doute eu vent des mésaventures D’Annalena Baerbock, la semaine dernière, en Chine. Elle a tellement sermonné les chinois que ceux-ci ont mis fin à la rencontre sans communiqué final et sans conférence de presse commune. Alors pourquoi la CDU conclurait-elle un pacte aussi suicidaire avec les Verts ? C’est quelque chose que je ne peux pas m’expliquer.
Eugyppius :
Vous venez d’aborder un très gros problème, auquel je n’ai cessé de réfléchir. J’allais justement écrire un article à ce sujet aujourd’hui ou demain. C’est donc une très bonne question : pourquoi ne peut-on pas se débarrasser des Verts ? Pourquoi reviennent-ils toujours ? Et quelle est cette force mystérieuse qui les place toujours au centre de la politique allemande ?
Pascal Clérotte :
On appelle ça le slime.
Eugyppius :
(Rires) Oui. Personne ne les aime vraiment. Ils oscillent entre 10 % et 14 % dans les sondages. Et ils ne sont à cet étiage relativement élevé en ce moment que parce que les médias publics les soutiennent à bout de bras. Ils veulent vraiment que cette catastrophe devienne une réalité. Chaque fois que vous allumez la télévision, vous tombez sur une nouvelle autre émission où les Verts sont encensés. A la longue, ça devient embarrassant. C’est presque impossible à regarder, mais beaucoup d’efforts sont déployés pour rendre les Verts suffisamment forts afin qu’ils puissent être de bons partenaires pour la CDU.
J’ai trois théories sur la question, ou peut-être seulement deux, voyons si je me souviens bien. La première est que, pendant longtemps, avec Merkel, se déployait une stratégie de démobilisation asymétrique, dont je parle souvent sur mon blog. Merkel adoptait préventivement des positions des Verts pour essayer de les priver de points de discussion et d’avantages électoraux. Et ce faisant, au fil des années, ses réalisations phares se sont trouvées être beaucoup de politiques vertes, comme la sortie du nucléaire, la transition énergétique, et ainsi de suite, toutes inaugurées sous Merkel. Merkel ressemblait donc déjà à une chancelière noir-vert.
Ce faisant, elle a essentiellement créé l’Alternative für Deutschland. Les gens ont commencé à déserter la CDU pour l’AfD parce qu’ils n’aimaient plus la CDU. Elle devenait une sorte de monstruosité verte. Merkel a donc construit l’AfD, tout en modifiant la nature de la CDU.
Et je pense qu’une grande partie des gens qui sont encore à la CDU sont en quelque sorte des sympathisants des politiques vertes à cause de ce processus de sélection et de ce mécanisme de filtrage qui a eu lieu pendant des années. Donc, je pense que, surtout à la direction de la CDU, les figures les plus influentes comme Merz, ou Hendrik Wüst, sont tous très favorables aux Verts. D’une certaine façon, ça n’est pas un mauvais calcul pour eux, car cela reflète tout simplement ce qu’est aujourd’hui la CDU maintenant, même si cela finira par leur couter électoralement. Voilà tout. Et on pourrait entrer dans toutes sortes de triangulations, mais c’est une explication qui me semble valide.
Une autre chose me vient à l’esprit concernant les Verts. Si vous imaginez un gouvernement CDU-Verts, ce serait le gouvernement le plus… Je ne veux pas être impoli envers nos amis américains, mais ce serait l’un des gouvernements les plus pathologiquement atlantistes que l’Allemagne ait jamais eus. Car, savez-vous, en matière de politique étrangère, les Verts sont assez interventionnistes. Tout ce que les Américains veulent faire, les Verts sont à fond derrière. Et la CDU est déjà comme ça, parce que c’est à cela que ressemble la politique de centre-droit en Allemagne, ainsi, je pense, qu’un peu partout en Europe.
Tout ceci nous promet donc un gouvernement très, très favorable aux intérêts atlantistes américains. En outre, d’autres forces institutionnelles et monétaires, semblent pousser l’Allemagne dans cette direction, surtout en ce moment. Ce qui se profile est donc une alliance de convenance qui a du sens pour beaucoup de personnes au sein et au-delà de la politique allemande. Ce serait ma deuxième grande théorie.
Mais si on y réfléchit un instant, ça n’a pas beaucoup de sens. En effet, si vous pensez rationnellement, si l’objectif de la CDU était simplement de remporter les élections, elle devrait tenter une autre grande coalition avec les sociaux-démocrates. En effet, au vu des sondages, c’est l’issue que la plupart des gens préfèreraient. Pourquoi, dans ces conditions la CDU n’essaie-t-elle pas une coalition avec les sociaux-démocrates et de sortir les Verts du gouvernement ? Ce serait la chose la plus logique.
En allant plus loin, Si vraiment la CDU voulait changer la politique allemande et infléchir la direction des choses, ils entreraient en coalition avec tous leurs anciens collègues de l’Alternative für Deutschland. Mais vous en conviendrez, cette éventualité est inconcevable dans la culture politique actuelle de l’Allemagne.
Pascal Clérotte :
Vous avez mentionné l’AfD. Où je me trouve, nous entendons principalement qu’il s’agit d’un parti nationaliste d’extrême droite. Fort bien. D’accord. Mais de quoi s’agit-il réellement ?
Eugyppius :
Non, ils sont très similaires à d’autres partis en Europe. Je n’aime pas beaucoup les qualifier d’extrême droite. Je ne pense pas que ce soit vraiment juste. Peut-être que, du point de vue d’un membre du parti des Verts ou de Die Linke, ils sont très à droite. Oui. Je les qualifierais volontiers de populistes de droite, mais avec des éléments centristes. Lorsqu’ils ont émergé, ils ont été fondés en 2014 comme un parti eurosceptique. Et ils étaient des libéraux de marché, un peu plus rigides que les libéraux-démocrates. On ne peut pas dire que la subversivité les caractérisait. Et puis, à la seule grâce du mécontentement envers les politiques de Merkel, ils ont gagné en popularité au fil du temps et deux courants principaux sont apparus au sein du parti d’aujourd’hui. L’un est dominant, c’est la direction du parti, Alice Weidel et Tino Chrupalla. Ce sont tous les deux des politiciens libéraux de marché, et la direction de l’AfD est également largement économiquement libérale.
L’autre courant, connu sous le nom de Flügel, rassemblé autour de Björn Höcke en Thuringe, est considéré comme nationaliste, comme une une droite dure. En réalité, ils sont vraiment des nationalistes modérés. Mais dans le style hystérique qui caractérise le débat politique en Allemagne, il ne faut pas grand-chose pour que des comparaisons soient faites avec les nazis. C’est éreintant. Mais en essence, L’AfD est une sorte de Volkspartei (parti populaire) comme on les appelait autrefois. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de sensibilités différentes qui s’expriment sous l’égide de l’AfD, mais l’aile libérale de marché est dominante. Ce sont des populistes. Il y a quelques tendances nationalistes, mais je dirais qu’ils sont un parti d’opposition populiste européen. Voilà tout.
Renaud Beauchard :
C’est fort intéressant et très utile, parce que nous lisons ou entendons en fait très peu de choses au sujet de l’AfD dans la presse anglophone ou francophone. Tout ce qu’on nous rabâche à l’envi, est qu’ils ne sont même pas considérés comme suffisamment respectables pour faire partie du même groupe au Parlement Européen que des partis comme Fidesz ou le Rassemblement National. C’est encore plus vrai avec Fratelli d’Italia, qui siège dans un autre groupe. Ainsi, après avoir été exclue du groupe ID [devenu groupe des patriotes pour l’Europe depuis juin 2024] l’AfD a-t-elle créé un nouveau groupe au Parlement européen, appelé Europe des nations souveraines, qui inclut d’ailleurs le parti Reconquête d’Éric Zemmour.
Eugyppius :
Je ne savais pas cela. C’est intéressant.
Renaud Beauchard :
Très intéressant, en effet. Donc, si on se réfère à ce qui est dit dans la presse et les médias français et américains, entre autres, l’AfD ne serait qu’un parti de néonazis. Et même les cadres de partis comme le Rassemblement National ne seraient pas loin de penser la même chose. C’est donc particulièrement utile que vous approfondissiez davantage sur l’AfD. Une question que j’ai en particulier à son sujet est de savoir si elle comporte un quelconque aspect ou une composante de démocratie chrétienne, ou est-ce un parti strictement laïque? J’ajouterais à ma question un corollaire : la démocratie chrétienne signifie-t-elle encore quelque chose en Allemagne aujourd’hui?
Eugyppius:
C’est une très bonne question. Bien sûr, nous devons nous rappeler qu’il y a beaucoup d’anciens membres de la CDU dans ce parti à cause de l’ère Merkel. Donc, je ne dirais pas qu’il n’y a absolument aucun espace pour la démocratie chrétienne dans le parti, ou que personne dans le parti n’a ce genre d’orientation. Mais en essence, c’est un parti assez fermement laïque. J’ajouterais que L’AfD m’a toujours semblé être un parti très pragmatique, avec des demandes très simples et directes, et peu d’idéologie. Voilà pour l’AfD.
Le fait que la CDU ne réponde plus vraiment aux attentes politiques chrétiennes traditionnelles a donné lieu à une tentative, au début de l’année — je crois que c’était en fait l’an dernier — de fonder un autre parti de droite, à la droite de la CDU, qui s’appellerait l’Union des Valeurs. Il s’agit là d’un épisode particulièrement intéressant. Un ancien officier des renseignements, Hans-Georg Maassen, a essayé de fonder ce parti, l’Union des Valeurs, et il n’a pas très bien réussi. Mais l’idée derrière ce parti était qu’il fallait aussi une sorte de droite plus dure — au fond pas plus dure, mais pas centriste, et qui ne flirterait pas avec les Verts — une alternative pour les gens ayant des convictions démocrates-chrétiennes à droite du spectre politique allemand.
Cela n’a pas vraiment fonctionné, mais ce sentiment existe. Et je connais certainement quelques Allemands intéressés par un tel parti. Peut-être que cela viendra. Je pense que c’est sain qu’il y ait davantage de différenciation parmi les partis d’opposition.
Je pense aussi que cela rend plus difficile pour les autorités de l’État de les réprimer ou de les interdire s’il y a plus d’un parti. Cela peut créer des écosystèmes intéressants et ainsi de suite. Donc, je ne suis pas de ceux qui disent : “Oh, si vous n’avez rien, vous devez toujours voter pour ce parti.” Je pense que c’est plutôt sain qu’un système multipartite émerge au-delà des partis établis. Mais c’est une parenthèse.
Quant à la démocratie chrétienne… elle est très atténuée maintenant. Je pense qu’elle est en déclin depuis probablement les années 80, où je dirais qu’il y a eu un grand point d’inflexion avec Helmut Kohl et l’adoption des principes libéraux de marché, à la même époque que Margaret Thatcher et Ronald Reagan. L’Allemagne a également essayé de suivre cette tendance, et c’est à ce moment-là que les choses ont commencé à paraître un peu différentes pour la démocratie chrétienne.
Et je dirais qu’il est aujourd’hui très difficile de comprendre, sur le plan fédéral, ce que la CDU représente idéologiquement, en dehors d’une série d’arrangements politiques soigneusement triangulés au centre de l’échiquier, qui nous permettent d’avoir juste assez de politiques vertes pour ne pas détruire l’économie. Ca semble satisfaire les journalistes, entre autres.
Là où nous pourrions dire qu’il demeure encore une sensibilité démocrate-chrétienne, c’est en Bavière, d’où je viens. Le paysage politique y est très différent et intéressant : la CDU n’y existe pas. Elle a en revanche un parti frère, l’Union Chrétienne-Sociale (CSU), qui est le parti dominant en Bavière. Au niveau fédéral, la CSU entre en coalition avec la CDU. Et la CSU est nettement plus conservatrice et conserve beaucoup d’éléments de la démocratie chrétienne que vous auriez pu observer dans la génération de mes parents, il y a 20 ou 30 ans. C’est donc un endroit où l’attachement à la démocratie chrétienne demeure encore présent. Mais à long terme, je pense que la CSU suit également la même trajectoire de développement que la CDU.
Renaud Beauchard :
En demeurant sur le sujet de l’AfD tout en amorçant une transition vers un autre aspect important de votre œuvre, je voulais me référer à un de vos articles les plus lus, datant du mois de février de cette année. Cet essai s’intitule L’Allemagne annonce des plans d’envergure pour restreindre la liberté d’expression, les déplacements et l’activité économique des dissidents politiques afin de mieux contrôler les schémas de pensée et d’expression de son propre peuple. Dans cet article, vous développez une thèse très intéressante autour de la tentative d’exclure, voire d’interdire l’AfD. Vous avez d’ailleurs essuyé pas mal de critiques venant de certains de vos lecteurs à cause de cet article, car vous disiez qu’il était plus pertinent de considérer l’Allemagne contemporaine comme une reconstitution de la RDA, plutôt que comme une chute vers une forme de fascisme autoritaire. Peut-être pourriez-vous développer ce point ?
Eugyppius :
Oui, bien sûr. J’ai une compréhension très spécifique de ce qu’est le fascisme en général. J’ai écrit de longs articles à ce sujet, car ces aspects de l’histoire de l’Allemagne m’intéressent tout particulièrement. Je pense que le fascisme est un phénomène historiquement très circonscrit. Il est spécifique à son époque et lié à la période inaugurée après la Première Guerre mondiale, avec toute une série de forces politiques et culturelles convergeant à ce moment-là.
Lorsque les gens se réfèrent au fascisme, notamment de nombreux américains, c’est en réalité d’autoritarisme dont il s’agit. Or pour moi, l’autoritarisme est une tactique, pas une idéologie politique. Je pense que nous avons appris que même les systèmes démocratiques libéraux occidentaux peuvent devenir incroyablement autoritaires, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Nous l’avons vu tout au long de la pandémie.
Dès que j’observe une manifestation autoritaire, quelle qu’elle soit, je répugne à trépigner en criant au fasciste. Cette attitude, typique des Américains, loin d’aider à la compréhension, tend à obscurcir les choses. Une référence beaucoup plus à propos pour qualifier l’état présent des choses me paraît être me semble être la RDA, la République démocratique allemande, l’Allemagne de l’Est communiste.
J’estime en effet que l’on voit beaucoup de tendances réapparaître, qui rappellent la RDA, comme si les autorités en place étaient en train de réinventer une sorte de système communiste. Ils ne sont pas communistes, bien sûr, mais ils réinventent une sorte de système autoritaire de gauche en réponse à des pressions similaires. Ce qui m’a le plus intéressé dans cette radicalisation des mécanismes allemands de rectitude politique et des services de renseignement intérieurs, c’est l’appropriation apparente d’anciennes lois de la RDA, issues du code pénal de la RDA, qui criminalisaient les personnes se moquant de l’État ou ridiculisant celui-ci.
Critiquer les autorités était en effet une infraction pénale en RDA, passible de prison. Or nos actuels services de renseignement intérieurs [notamment l’Office de protection de la Constitution, NdT] sont devenus obsédés par l’imposition d’une rectitude politique. S’ils estiment que vous soutenez des positions anticonstitutionnelles ou que vous tenez des propos un peu trop extrémistes à droite ou à gauche, ils vous placent sous surveillance. Et ils le font de manière très large. Par exemple, il est très probable que je sois moi-même sous surveillance.
Or un des nouveaux critères de qualification de l’infraction politique, qu’ils viennent d’inventer est précisément la moquerie de l’Etat. Il ne s’agit pas de crime, mais plutôt de pré-crime. Et cette nouvelle forme d’incrimination ne procède pas de la loi. Il s’agit d’un processus administratif. Aucune loi n’a été adoptée. Se moquer de l’Etat n’est pas déclaré illégal, et partant vous avez le droit de le faire. Mais vous serez simplement placé sous la surveillance des services de renseignement politique.
Il semble que, dans la conception et l’élaboration du régime de cette infraction, les autorités ont puisé, consciemment ou non, dans le vocabulaire du code pénal de l’ancienne RDA. Cela m’a beaucoup intrigué. Et je pense qu’en général, beaucoup des tendances que nous observons aujourd’hui sont similaires à celles qui ont caractérisé la RDA.
Parmi ces tendances, on retrouve, dans le contexte de l’échec général d’un système économique, des tentatives de réprimer la population et d’empêcher les expressions de mécontentement contre des politiques imposées de manière dogmatique. Ce sont là des parallèles intéressants. Ce à quoi nous assistons est très différents du fascisme, qui est un phénomène lié aux guerres, affrontant la menace du communisme, tout en étant également autoritaire, bien sûr, mais en réponse à des stimuli différents et avec un caractère distinct.
Pascal Clérotte :
Et quelle est votre opinion sur ce qui se passe actuellement aux États-Unis ?
Eugyppius :
Sur ce qui se passe aux États-Unis en général ?
Pascal Clérotte :
Oui, sur la situation politique en ce moment avec Trump, et peut-être aussi à propos de ce qui se passe également en Syrie.
Eugypius :
Je pense qu'il est important pour moi de ne pas exagérer l'importance de la victoire de Trump. J'étais content qu'il gagne. En général, je soutiens la victoire des politiciens populistes dans n'importe quel pays, car je pense que nous assistons à l'échec manifeste et à la sclérose du système libéral international d'après-guerre, qui devient de moins en moins fonctionnel, ne tient pas ses promesses et a créé une élite déconnectée, insensible et de plus en plus destructrice. Tout cela est très préoccupant. Donc, bien sûr, je soutiens la politique populiste et j'étais heureux que Trump gagne. Ca m’a fait plaisir, vraiment. Mais je dois dire que j’espère qu’il tiendra toutes ses promesses. Je ne veux pas être pessimiste ou défaitiste, mais je pense qu’il est important d’avoir des attentes raisonnables.
Dans les Etats Unis, nous avons affaire à un système incroyablement puissant, très élaboré et bureaucratique. Et nous ne savons pas encore quelles défenses ce système pourrait déployer contre un homme et ses collaborateurs, aussi déterminés soient-ils, qui envisageraient de le réformer de manière significative. Je veux donc être raisonnable quant aux attentes à ce sujet.
Mais je pense que quelque chose d’important est en train de se passer avec l’élection de Trump et qu’il y a une leçon à tirer du fait que la première vraie percée populiste en Occident ait eu lieu au centre même de l’empire, aux États-Unis. Cela suggère peut-être qu’ils sont à la pointe de ce développement politique et que nous verrons peut-être également d’autres développements similaires en Europe continentale. C’est du moins ce que j’espère.
Une autre note que j'ajouterais est qu'il faut prendre Trump très au sérieux lorsqu'il dit America First (L'Amérique d'abord). Beaucoup de ses politiques risquent de ne pas être très bonnes pour l’Europe et pour le continent en particulier. C'est peut-être regrettable à certains égards, mais il faut être réaliste sur la question de savoir qui est Trump. Il ne résoudra pas tous nos problèmes.
Pascal Clérotte:
Et à propos de la Syrie ?
Eugyppius:
Eh bien, je n’ai pas de réflexions profondes sur la Syrie. Il est assez clair que les deux derniers mois de l'administration de Joe Biden ne sont qu'une tentative de tout escalader, de faire bouger les lignes aussi loin que possible. Ils essaient de relancer la guerre par procuration en Syrie.
Ils ont levé les limites des missiles longue portée pour attaquer, comme le Storm Shadow. Il y avait une limite de distance, et maintenant ils sont capables de viser des cibles à l’intérieur du territoire russe. Donc, évidemment, ils provoquent une escalade sur tous les fronts contre la Russie avant que Trump puisse prendre ses fonctions. Quelle est exactement leur motivation, je ne suis pas sûr de bien savoir.
Je pense que c'est significatif que ces frappes de missiles de croisière se soient arrêtées après que la Russie a répondu avec leur missile balistique intermédiaire Oreshnik, avec cette menace implicite de contre-attaque nucléaire. Il n'y a pas eu d'autres frappes de missiles de croisière depuis.
Peut-être que l’Occident a reculé et décidé d'essayer de faire pression autant que possible sur la Syrie maintenant, en utilisant également leurs proxys comme la Turquie, et ainsi de suite. Mais je ne sais pas.
Renaud Beauchard :
Puisque nous sommes sur le sujet des États-Unis, l'un de vos articles les plus drôles portait sur le syndrome d'obsession anti-Trump après la réélection de Trump cette année en Allemagne. Vous avez écrit que le Spiegel publiait un article sur une thérapeute comportementale qui conseillait ses patients sur la façon de gérer les conséquences mentales en Allemagne de la victoire de Trump. Voyez-vous vraiment une énorme panique autour de Trump dans votre cercle en Allemagne, ou est-ce quelque chose de fabriqué ?
Eugyppius:
C’est une question très intéressante. Ce n’est pas du tout comme en 2016. J’étais également ici en 2016, et à l’époque, la presse allemande était vraiment en effervescence. À l'époque, je vivais en Italie. En fait, je faisais des allers-retours entre l'Allemagne et l’Italie. Je me souviens que la presse italienne ne semblait pas aussi alarmée, mais la presse allemande était absolument enragée par l'élection de Trump.
Beaucoup d'Allemands étaient personnellement inquiets et parlaient, vous savez, de fascisme américain et de choses vraiment délirantes. Cette fois-ci, nous observons encore une certaine colère ou une frustration politique, qui est d’ailleurs une émotion difficile à décrire, mais c’est dans des formes très atténuées par rapport à il y a huit ans.
J’observe aussi un effort de la part de la presse, en particulier, pour garder une certaine retenue dans la couverture. J'ai écrit un autre article où je suis revenu sur tous les anciens articles sur Trump de 2016 et 2017, et ce qu’on y lisait était proprement délirant. Der Spiegel, en particulier, publiait les dessins d’un artiste, un type complètement dérangé, qui peignait toujours Trump de manière outrancière : Trump décapitant quelqu’un, ou habillé en officier du Ku Klux Klan en train de pendre quelqu’un. Des choses vraiment insensées.
Tout cela a disparu. On ne trouve plus guère de contenus de la sorte dans les médias allemands. Il y a définitivement un effort pour se montrer plus modéré. Et on pourrait spéculer sur les causes de cela. Je pense qu’il y a peut-être un certain embarras rétrospectif vis-à-vis de leur excès d’émotion et de panique d’il y a huit ans, et un effort conscient de la part des directions des médias afin de garder le contrôle.
Renaud Beauchard :
Eh bien, je peux vous dire que c'est un peu pareil ici aux États-Unis. Nous avons vu des commentaires vraiment hystériques, mais en fait, le pire de cette hystérie remonte à quelques semaines avant l’élection, lorsque soudainement il y a eu cette comparaison entre Trump et Hitler. Depuis, c'est très atténué, en réalité. Et même, je veux dire, j’habite à Washington, D.C., qui est vraiment le centre névralgique du libtardisme [NdT : le libtardisme est un néologisme apparu depuis plusieurs années chez un certain nombre de commentateurs plus ou moins conservateurs provenant du mot retard, qui signifie débile. Il désigne une sorte de gauchisme abêti] . Je peux vous dire que les gens n’en parlent pas, ils semblent s’être fait une raison face à la réalité.
Pascal Clérotte :
Malheureusement, en France, nous en sommes encore là.
Renaud Beauchard :
C’est intéressant. Pour rester sur le sujet des États-Unis, vous avez fait quelque chose de tout à fait intéressant pendant la campagne. Vous avez publié une transcription complète du débat de Tim Walz avec J.D. Vance, puis de l’interview de Kamala Harris par Brett Baier sur Fox News. J’ai trouvé que c’était une idée géniale de votre part de faire cela, car beaucoup d’éléments en sont ressortis. J’ai moi-même regardé ce débat et cette interview en direct, et lire la transcription avec vos commentaires était absolument fascinant. Qu’avez-vous trouvé de si fascinant chez ces deux politiciens pour que vous vous sentiez obligé de faire cela ? Et en particulier concernant Tim Walz ?
Eugyppius:
C’est pour cela que j’ai eu l’idée, une fois cet article publié, afin de répondre aux sollicitations de mes lecteurs, de faire un article similaire sur Kamala Harris. J’ai donc essayé de trouver une bonne opportunité pour cela. Mais Tim Walz, lui... Je ne l’avais jamais entendu parler avant sa nomination comme colistier de Kamala Harris. Par la suite, j’ai regardé quelques interviews de lui sur YouTube, et je l’ai trouvé très étrange. Presque irréel, d’une certaine manière. Il a des gestes très inhabituels, ses mouvements, ses mains, sa façon de parler, la manière dont ses lèvres bougent quand il parle, tout cela est assez étrange.
Ensuite, j’ai écouté le débat. Et cela m’a semblé complètement fou. Ce qui était frustrant, c’est que lorsque j’ai lu la couverture allemande du débat, tout tournait autour du fait que Tim Walz aurait terrassé J.D. Vance, qu’il avait gagné de manière éclatante contre ce bizarre candidat républicain à la vice-présidence, et ainsi de suite.
J’ai eu l’impression de perdre la tête parce que j’avais vu un débat totalement différent. J’ai été très fasciné par cela et j’ai fini par écrire cet article, car si vous écoutez ce que Tim Walz dit réellement, la plupart du temps, cela n’a aucun sens. Il semble avoir un discours cohérent, mais ses arguments ressemblent à une sorte de bouillie verbale, n’obéissant à aucune règle. C’est très étrange.
Peut-être a-t-il des problèmes cognitifs. Je ne sais pas quelle est la cause de ce phénomène, mais c’est très particulier. J’ai remarqué toutes sortes de problèmes verbaux étranges chez lui. Par exemple, quelqu’un mentionnera un mot, et ensuite il répétera ce mot dans différents contextes dans ses phrases suivantes.
Tout cela n’a pas été inclus dans l’article, bien sûr. J’ai dû être économique et choisir des exemples représentatifs. Mais je pense que c’est une figure très fascinante.
Ma thèse est que la plupart des politiciens, de nos jours, jouent simplement le rôle d’hommes d’État. Ils ont cédé beaucoup de leurs pouvoirs à des structures bureaucratiques et managériales, et ils ne dirigent plus réellement les choses eux-mêmes. Ils prétendent le faire à la télévision.
Et Tim Walz est une sorte de photocopie dégradée de l’acteur politique. Il ne fait même pas semblant d’être un politicien. Il imite les rôles des acteurs qu’il a vus. C’est pourquoi il ressemble à une personnalité à basse résolution, presque inspirée par l’intelligence artificielle. Mais cela m’a beaucoup amusé. C’était très drôle.
Renaud Beauchard :
Changeant de sujet, je voudrais rappeler que votre Substack s'intitule Eugyppius: A Plague Chronicle (Une chronique en temps de peste). Si mes souvenirs sont bons, vous l’avez lancé en juillet 2021 ?
Eugyppius :
Oui. C’est exact.
Renaud Beauchard :
Votre blog a démarré comme une chronique fort pertinente sur la crise du coronavirus. Etant en Allemagne, je pense que vous étiez au centre des politiques COVID les plus burlesques du monde, avec une certaine quantité de personnages particulièrement grotesques, comme Karl Lauterbach, que vous appelez Lautertard. Vous avez même inventé un concept, le concept de pandémicisme. Et si j’ai bien compris, vous écrivez un livre sur le pandémicisme. Peut-être pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par pandémicisme ?
Eugyppius:
Le livre progresse bien. La traduction allemande est en cours. Je l'ai écrit en anglais, donc la traduction allemande est cours. Et je veux essayer de faire en sorte que la version anglaise sorte en même temps. J’avais prévu de le publier plus tôt, mais je pense qu’il était en fait bon d’attendre. Il s’est passé tant de choses entre-temps, et c’est aussi bien d’avoir un peu de recul, car c’était tellement intense.
Le pandémicisme est en quelque sorte le terme que j’utilise pour ce que j’appelle un système proto-idéologique, qui est l’idée que les pandémies existent et qu’elles peuvent être atténuées ou évitées par des interventions technocratiques. Or aucune de ces deux idées n’est vraie. Les pandémies sont des constructions sociales. Nous décidons qu’elles existent, et il n’y a en réalité aucune preuve empirique de quoi que ce soit que nous puissions faire afin de les arrêter. Nous n’avons jamais arrêté de pandémie auparavant, quelle que soit la mesure appliquée.
Donc, ce concept idéologique est en tension avec la réalité. Le pandémicisme est à la fois le terme que j’utilise pour désigner cette idée, mais aussi le terme que j’applique à toutes les structures académiques, bureaucratiques et managériales qui en dépendent, et qui émergent des relations sociales, ainsi que de cette compréhension idéologique fondamentale.
Ma thèse de base est que, depuis la fin du XXe siècle, en réponse à la grippe, aux pandémies et à l'éradication de la variole, une idéologie des pandémies a émergé au sein de tous nos départements de santé publique. Ils étaient tous en quelque sorte, comment dire... comme des agents dormants, là, en attente. Ils n’avaient jamais vraiment eu l’occasion de faire quoi que ce soit, mais ils simulaient et planifiaient comment gérer la prochaine pandémie, et ils étaient vraiment enthousiastes à ce sujet. Quelques pandémies ont presque eu lieu, mais pas tout à fait. Le plus gros événement à cet égard a été la grippe porcine de 2009. À ce moment-là, ils ont vraiment essayé de faire monter la panique, mais cela n’a pas fonctionné, et ensuite tout s’est arrêté. Donc, on voit cette chose essayer de se produire avant qu’elle ne se manifeste réellement, et c’est un signe clair qu’il y avait beaucoup de dynamisme bureaucratique en préparation, beaucoup d’intérêt pour cela, parce que les carrières des gens en dépendaient.
Et puis, 2020 a été l’année où il y avait un agent pathogène plausible. Tout s’est déclenché au grand jour. C’est donc en gros ma thèse sur le pandémicisme et son fonctionnement.
Renaud Beauchard:
Qu'est-ce qui, en particulier, vous semble si central dans le COVID ? Tout d'abord, peut-être pourriez-vous nous expliquer votre processus mental lorsque vous avez commencé à écrire ce Substack. Je veux dire, j'ai discuté avec quelques amis, comme N.S. Lyons sur les raisons qui les ont poussé à écrite. En ce qui le concernait, c’était la nécessité de faire sens du monde de plus en plus inintelligible dans lequel nous habitons, en particulier dans la perspective de quelqu’un qui travaillait pour le Blob à Washington, D.C. Je comprends parfaitement que le COVID puisse être un événement déclencheur dans une vie, mais qu'est-ce qui, pour vous, fait du COVID un moment révélateur de réalités bien plus profondes ?
Eugyppius:
Oui, alors j’ai vraiment commencé à réfléchir au COVID durant ces périodes. Initialement, je l’admets, je n’y ai pas pensé de manière très critique. J’ai d’abord simplement accepté qu’il y avait un virus, qu’on devait rester chez nous. Mais dès le mois de mai, beaucoup de choses ne me semblaient plus vraiment logiques.
Je trouvais que ces politiques étaient un peu irrationnelles. Le moment où j’ai vraiment réalisé qu’il y avait un problème est quand ils ont fermé tous les terrains de jeux en plein air. Les enfants ne pouvaient pas jouer dehors, mais ils ont rouvert tous les salons de coiffure, parce que les politiciens voulaient se faire coiffer pour leurs apparitions à la télévision. C’est dans des moments comme ceux-là qu’on commence à se rendre compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
Par la suite, nous n’avions presque plus de cas durant l’été 2020, mais toutes les restrictions sont demeurées en place, ce qui n’avait aucun sens. On commence alors à réfléchir à la logique des politiques, et tout s’effondre dans votre esprit. On se rend compte à quel point on avait été crédule au départ.
Mais c’est une situation personnelle qui m’a vraiment fait réfléchir sur ce qui avait causé le Corona et toute la panique autour du COVID. Au moment du début de la pandémie, j’étais techniquement un bureaucrate pour l’État libre de Bavière à l’époque. J’étais chercheur, mais j’avais un poste bureaucratique. J’étais donc un peu imbriqué dans le gouvernement bavarois, techniquement parlant. Je n’exerçais pas de responsabilités de recherche. J’étudie les pierres anciennes et des choses de ce genre. De cette position privilégiée, j’ai pu voir comment mon propre institut et la structure managériale plus large ont réagi à la crise du COVID. Et j’ai réalisé que l’un des aspects les plus marquants du COVID pendant la pandémie était la manière dont beaucoup de sortes de petits cadres intermédiaires, des gens insignifiants à qui vous ne faisiez jamais attention auparavant, étaient soudainement responsables de tout.
Par exemple, nos secrétaires, qui ne faisaient que gérer notre courrier, mettaient maintenant du ruban adhésif au sol pour indiquer où vous pouviez marcher dans les couloirs. Et je me souviens avoir refusé. J’étais tellement fatigué. J’avais un tout petit appartement à Munich, vous savez. Je voulais retourner travailler et j’en avais assez d’être coincé chez moi. De toute façon, je ne peux pas, je n’ai pas une grande bibliothèque ou quoi que ce soit. Alors je suis simplement retourné à mon bureau. Vous savez, je suis un membre d’un club de bière allemand, assez influent. Je peux juste entrer où je veux, et ils m’ont laissé entrer. J’ai de nouveau recommencé à travailler.
Et ensuite, les secrétaires se sont liguées contre moi et ont organisé une réunion secrète du personnel sur la manière dont je devais être puni pour avoir refusé d’obtempérer. Et j’ai vraiment réalisé que tout mon institut avait été en quelque sorte détourné par ce type de cadres intermédiaires.
J’ai alors commencé à concevoir la pandémie comme une sorte de coup d’État bureaucratique, une sorte de coup d’État des gestionnaires et des personnes qui dirigent les choses. Ils avaient en quelque sorte pris le contrôle de larges pans de notre gouvernement.
Et c’était le vrai but du COVID. Et c’est ainsi que j’ai commencé à réfléchir aux forces bureaucratiques qui ont conduit la pandémie et aussi pourquoi elle a persisté si longtemps, vous voyez.
Renaud Beauchard:
Vous avez écrit une série d’essais particulièrement intéressante sur votre Substack, intitulée The Pandemic Impressions. Je crois que c’était une série en quatre parties. Et dans celle-ci, vous dites que, en fait, les autorités sont allées trop loin et se sont révélées dans la plénitude de leur pouvoir de nuisance aux yeux des gens. Et tout cela a eu un genre d’effet involontaire de leur part, ce qui, je pense, caractérise nos élites. Elles n’ont aucun sens des conséquences de leurs décisions. Alors, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont cette révélation de la vraie nature des autorités a créé ce que vous appelez un grand désengagement ?
Eugyppius :
Un grand quoi ?
Renaud Beauchard :
Un grand désengagement.
Eugyppius :
Ah, oui, oui, bien sûr. Alors, que dire ? Le système pandémique était lui-même une sorte de radicalisation auto-alimentée parce que, lorsque la décision a été prise de confiner ou de vacciner tout le monde, le système dépendait beaucoup de convaincre les gens que cela était nécessaire.
Il y avait beaucoup d’anxiété au plus haut niveau. Nous avons maintenant des fuites et toutes sortes d’informations révélant une grande anxiété au plus haut niveau sur le fait qu’ils ne pourraient pas obtenir que la population adhère aux confinements, etc. Donc il fallait impérativement faire peur aux gens avec ce grand virus effrayant au moyen d’une propagande entretenant la peur du virus, ce qui a ensuite eu un effet de rétroaction parce que les gens le prenaient au sérieux, avaient très peur du virus, générant de ce fait de leur part une demande politique de davantage de confinements et ainsi de suite.
Cela a créé une dynamique d’auto-renforcement qui a rapidement échappé à tout contrôle. Les architectes des confinements et même de la vaccination, en 2020 et 2021, ont vu le système leur échapper complètement. C’était une boucle de rétroaction auto-renforcée.
Une des sources les plus intéressantes pour comprendre cela et voir comment cela s’est passé à l’intérieur des gouvernements sont les fuites des textos de Matt Hancock, qui sont sorties il y a quelques années. Ces fuites des communications sur WhatsApp entre différents membres du cabinet britannique montrent comment ils alimentaient la propagande, tentaient d’effrayer les gens pour qu’ils restent chez eux, et se sentaient ensuite totalement impuissants face à une immense pression publique et à la panique autour du virus. C’est tout simplement très, très intéressant et stupéfiant. Ces documents révèlent également que les décideurs admettaient que le port du masque était principalement symbolique. Il servait à montrer que l’État faisait quelque chose, etc. Ce sont des documents vraiment fascinants. Les confinements et toute la politique pandémique ont fini par devenir une fin en soi, qui ne pouvait jamais éradiquer le virus et qui, en définiive, a fini par cannibaliser son propre soutien.
Il est également très intéressant de lire les commentaires sur Twitter sous les tweets de quelqu’un comme Karl Lauterbach. À chaque fois qu’il exigeait davantage de mesures ou prônait quelque chose, littéralement tout le monde dans ses commentaires l’attaquait. Nous étions tous à l’attaquer, en disant : « Vous devez nous laisser sortir à nouveau, vous êtes complètement fou. Mais au sein de son camp, tout le monde le blâmait de ne pas encore avoir éradiqué le virus. Cela est devenu politiquement une impasse totale, ce qui est, selon moi, la raison pour laquelle la pandémie s’est en fait effondrée politiquement à la fin. Il n’y avait plus aucune façon de la gagner. Cela broyait littéralement les politiciens. Mais que dire ?
Ils sont indéniablement alles trop loin, mais toutes les structures bureaucratiques qui ont permis cet état de fait cela sont toujours là. Et les pandémicistes eux-mêmes sont, si possible, encore mieux financés. Maintenant, c’est quelque chose que les gens s’attendent à voir se reproduire. Et donc, je pense que c’est un véritable problème pour l’avenir. Peut-être pas dans les cinq prochaines années, mais sans doute dans dix ans. Il est concevable qu’ils essaient de recommencer, vous savez.
Pascal Clérotte :
Il semble qu’en Allemagne, cependant, il y ait un débat beaucoup plus vif sur ce qui s’est passé pendant le COVID, sur les vaccins, etc., que dans le reste de l’Europe et surtout en France. Est-ce vrai ? Que se passe-t-il ?
Eugyppius :
En Allemagne, vous êtes sur ?
Pascal Clérotte :
Oui, en Allemagne, oui.
Eugyppius :
Eh bien, en fait, je dirais que certains des débats les plus ouverts ont eu lieu aux États-Unis. Je pense que leurs structures politiques sont différentes. Mais ici, je ne veux pas employer de langage grossier, mais ce qui s’est passé était vraiment stupide. C’était extrêmement extrême, et ça a duré longtemps. Et il est simplement douloureusement évident pour tellement de gens que toutes ces diatribes contre les personnes non vaccinées étaient vraiment, pas tout à fait génocidaires, mais des choses qui ont mis beaucoup de gens vraiment personnellement très mal à l’aise. Si on repense à la rhétorique de nos politiciens en 2021 et 2022, on est saisi par son caractère déchaîné et par leur complète irresponsabilité. C’est difficile à décrire. Nous avons eu certaines des politiques COVID les plus idiotes et extrêmes au monde ici en Allemagne. Et je pense qu’il y a naturellement une insatisfaction culturelle croissante à ce sujet.
En même temps, notre presse est très, très contrôlée. Je ne dirais pas qu’elle est centralement contrôlée, mais elle ne se prête pas facilement à répéter n’importe quelle critique des ministres du gouvernement, etc. Ces critiques sont en effet traitées avec la plus grande retenue. Donc, beaucoup de ces discussions demeurent encore cantonnées aux médias périphériques et alternatifs.
Mais je dirais qu’il est très probable que n’importe quel Allemand à qui vous parlez dans la rue pense qu’une part indéfinie mais très large des politiques pandémiques était une très mauvaise idée. Donc, c’est au moins positif.
Il est en outre amusant de voir nombre d’anciens politiciens pandémicistes nier et fuir leurs positions radicales passées. Prenez par exemple ce misérable de Christian Drosten, cet infâme virologue, cet homme qui, selon moi, devrait être en prison. Tantôt il exigeait la vaccination des enfants, tantôt il demandait la fermeture des écoles, et il n’a jamais vu un confinement qu’il n’aimait pas. Or aujourd’hui, lors de chacune de ses apparitions en public, lesquelles sont, fort heureusement, de plus en plus rares, il nie avoir fait toutes ces choses. C’est vraiment stupéfiant. Mais je pense que c’est aussi la preuve de la manière dont ils ont lourdement perdu au final.
Renaud Beauchard :
Vous venez de prononcer un mot qui revient très souvent dans votre Substack. Je veux parler du mot “stupide”. Et c’est souvent à ce propos que vous prenez beaucoup de critiques de la part de vos lecteurs, précisément lorsque vous affirmez qu’en fait, c’est la stupidité de nos élites qui fait que nous vivons dans une sorte d’idiocratie, où les éléments supposés être les meilleurs et les plus brillants de notre société sont stupides. C’est leur stupidité, poursuivez-vous, qui dirige les choses, bien plus que le génie machiavélique fantasmé de Bill Gates ou je ne sais quelle théorie du complot liée à Bill Gates ou Elon Musk. Donc, peut-être pourriez-vous nous en dire plus. Et pourquoi pensez-vous que cela génère autant de controverse lorsque vous formulez une telle explication ?
Eugyppius:
Bien sûr. Je pense que nous sommes gouvernés par des systèmes politiques très artificiels, difficiles à décrire dans leur nature et leur étendue, en particulier dans le cadre des gouvernements managériaux modernes en Occident. Pour en avoir une idée, il suffit de prendre n’importe quelle politique, petite ou grande, qu’elle soit désagréable ou pas, qu’on l’aime ou qu’on la déteste, et d’essayer de retracer ses origines. Posons-nous les questions suivantes : Comment cette idée est-elle apparue ? Qui l’a formulée ? Comment a-t-elle été votée ? Comment est-elle appliquée localement ? Et combien de personnes sont impliquées dans ce processus ? Ce sont toujours des décideurs qui déterminent, d’une manière ou d’une autre, comment une politique fonctionne sur le terrain. Il y en a des milliers, même pour des choses mineures et insignifiantes comme la réglementation du stationnement. C’est vraiment fou. Et je ne parle pas seulement des grandes politiques comme les confinements pandémiques ou la coercition vaccinale ou quoi que ce soit de ce genre. Nous sommes gouvernés par des systèmes très complexes. Et c’est relativement nouveau. Cela est lié à l’émergence de la société de masse dans les dernières étapes de l’industrialisation. Mais l’ampleur réelle de la bureaucratie managériale n’a explosé qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Ce phénomène est relativement récent. Or nos compréhensions politiques n’ont pas suivi l’évolution de cette situation. Nous avons encore des compréhensions très archaïques, presque enfantines, de la manière dont le gouvernement fonctionne. On pense encore qu’on élit un parlement, qui nomme quelqu’un à sa tête, et que ces personnes adoptent des lois. Tout cela est désormais très dépassé.
Et nos compréhensions culturelles n’ont pas non plus rattrapé le retard. L’idée qu’il y a quelque part quelqu’un aux commandes, qui agit avec un objectif stratégique pour atteindre quelque chose dans le monde, relève d’une politique d’avant l’ère de la gestion bureaucratique. C’est un modèle plus simple, plus facile à comprendre.
Donc, lorsque les gens voient nos immenses systèmes bureaucratiques dysfonctionner ou faire des choses bizarres ou irrationnelles, ils essaient de réimposer cette ancienne logique politique par-dessus. Ils disent : “Eh bien, il doit y avoir une force cachée ou un complot, pour que les véritables décideurs poursuivent tel ou tel agenda dans l’ombre ou à des fins cachées que nous ne comprenons pas.” Ce faisant, ils tentent de réimposer une logique politique du XIXe siècle aux actions de nos États, alors qu’en réalité, nous avons des systèmes totalement différents et nouveaux. Et je les appelle stupides parce que... ce sont des machines composées de mécanos humains.
Donc, les individus au sein de ces systèmes gouvernementaux peuvent être parfaitement intelligents. Je ne pense pas que nous soyons gouvernés par des génies, mais ils sont un peu au-dessus de la moyenne, disons. Des gens comme Robert Habeck ou Emmanuel Macron, par exemple ne sont pas des gens stupides, loin de là. Mais ils ne sont pas non plus des physiciens de génie.
A vrai dire, leur intelligence importe peu, car tout ce qu’ils font est modulé par les institutions. Et ainsi, ils font agir les institutions... C’est un peu complexe, un peu subtil. Imaginez que vous êtes une institution, je ne sais pas, que vous avez la charge de l’application des règles de stationnement dans votre ville, et que vous occupez un poste de gestion intermédiaire. Comment obtenez-vous que cette institution agisse selon les positions vous défendez ? Eh bien, vous faites des choses qui bénéficient à votre propre position dans cette institution. Par conséquent, vous vous souciez peu, ou seulement de manière secondaire, de savoir si le stationnement fonctionne correctement dans votre ville ou non.
De même, savoir si votre autorité de stationnement est bien perçue, ou si vos agents sont bien considérés dans la rue, est aussi secondaire. Vous essayez d’agir au sein de cette institution pour améliorer votre position, obtenir des promotions, et ainsi de suite. Et lorsque vous obtenez un contrôle sur l’institution à un niveau plus large, vous la faites agir de manière à augmenter votre importance, votre autorité et votre position à l’intérieur de celle-ci. Ainsi, les institutions agissent dans le monde extérieur à des fins qui servent largement les motivations internes des acteurs qui s’y trouvent.
Omniprésentes parmi ces motivations, on retrouve le souci d’étendre le champ d’application de ces institutions : impliquer plus de personnes, élargir leur sphère de compétence, augmenter leurs financements, leur visibilité sociale, etc. Donc, lorsque je dis que les actions de l’État sont stupides, je veux dire qu’elles sont médiatisées institutionnellement de cette manière, et qu’elles deviennent de plus en plus irrationnelles.
Je pense simplement qu’il est intellectuellement erroné d’essayer de réimposer des modèles politiques traditionnels et des thèses politiques traditionnelles sur ce que fait l’État aujourd’hui. En réalité, la presque totalité des actions étatiques aujourd’hui, dans nos pays, n’ont aucun sens. Jamais n’avons-nous vu auparavant des pays agir de cette façon. Des choses comme la transition énergétique, les confinements COVID ou la migration de masse sont toutes des politiques que les pays ont commencées à mener dans les 20 dernières années, et elles sont folles.
Nous sommes en présence d’un type de politiques complètement différent de tout ce qui existait jusqu’alors, qui n’a pas beaucoup de sens. Voilà comment j’essaie de les expliquer.
Renaud Beauchard :
Puisque nous sommes au cœur du sujet de la stupidité et de l’aspect hystérique de nos élites, peut-être est-ce le bon moment de pénétrer dans le temple de la stupidité, que vous avez effectivement beaucoup fréquenté : je veux parler de l’université. Vous avez beaucoup écrit sur le milieu universitaire. Je pense que vous êtes l’un des meilleurs témoins de ce qu’est l’université contemporaine, à la fois aux États-Unis et en Allemagne. Et ce que vous avez écrit à ce sujet, y compris dans votre lettre lorsque vous avez quitté l’université, est absolument fascinant. Alors, que pouvez-vous nous dire sur, disons, précisément ce que vous avez observé et quelle est votre théorie à propos de cette communauté de scientifiques ? Vous avez notamment formulé toute une théorie épistémologique de l’université selon laquelle, en devenant de plus en plus massive depuis l’après-guerre, son développement à la hausse a précisément conduit à l’idiocratie qu’incarnent aujourd’hui les universités partout dans le monde, y compris, bien sûr, aux États-Unis et en Allemagne.
Eugyppius:
Oui, c’est quelque chose que j’ai remarqué. C’est vraiment une chose que l’on met un certain temps à comprendre. J’ai été professeur et universitaire pendant de nombreuses années. J’ai travaillé à la fois en Allemagne et aux États-Unis. J’ai terminé ma carrière en Allemagne et maintenant je tiens un blog à plein temps, mais j’ai aussi été professeur aux États-Unis.
Une chose que j’ai remarquée est que les champs d’investigation ne semblent plus vraiment progresser. Du moins, c’est ce que je remarque dans mon domaine. Peut-être est-ce différent dans d’autres disciplines où on ferait encore de grandes découvertes. J’imagine que certaines parties des sciences dures fonctionnent encore. Mais moi, je suis plutôt un historien de l’Antiquité et un philologue.
Et j’ai réalisé que, dans mon domaine, et dans les disciplines connexes que je connais, il n’y a pas eu de progrès majeurs depuis très longtemps. Et j’ai commencé à réfléchir à la raison de cela. Une des choses que j’ai remarquées est que ce n’est pas que les gens ne découvrent pas de nouvelles choses. A cet égard, j’avais un ami qui me disait que c’est parce que nous avons déjà cueilli tous les fruits faciles à atteindre et que, par conséquent, nous ralentissons et ne faisons plus de découvertes.
Mais ensuite, lorsque je suis retourné en Allemagne pour faire de la recherche à plein temps, j’ai dirigé une revue académique et j’ai eu une confrontation bien plus intense avec la production de recherche. Je lisais des centaines d’articles par mois, dans plusieurs revues. Cela faisait partie de mon travail de me tenir à jour de toute la littérature de mon domaine. Je n’avais jamais lu aussi massivement auparavant. Et j’ai réalisé qu’il y avait des découvertes, mais qu’elles ne sont pas intégrées dans la littérature. Elles sont un peu ignorées.
J’ai aussi réalisé que la plupart des choses publiées dans mon domaine sont complètement inutiles. C’est incroyable. Il y a des revues entières qui n’ont pas publié un seul article intéressant. Et je le dis objectivement. J’ai des critères assez clairs : un article devrait découvrir quelque chose qui n’a pas été remarqué auparavant, être cité par une autre revue, au moins. Mais il devrait être cité dans d’autres publications au service de quelque chose d’empirique, ou d’une avancée. Or il y a des revues entières qui publient simplement pour publier, sans raison valable. Et la raison est que le milieu universitaire est rempli de milliers de personnes, beaucoup plus qu’auparavant.
Je ne sais pas exactement comment cela se passe en France, mais aux États-Unis, c’est certain. Et aussi en Allemagne, de plus en plus de personnes vont à l’université. Il faut donc des professeurs, des chargés de cours et toutes sortes de personnes pour les encadrer et leur enseigner des choses. Ainsi, le milieu universitaire s’étend, et toutes ces personnes doivent publier pour démontrer leurs qualifications académiques. Et les revues se remplissent de choses inutiles. Les champs s’étendent. La masse et l’échelle du projet académique ont dépassé les limites à l’intérieur desquelles la recherche est possible.
Il y a d’ailleurs des recherches à ce sujet. J’ai trouvé un article dont les auteurs avaient étudié différentes mesures de progrès dans divers champs et constaté que, plus un champ académique grandit et plus on y implique de personnes, plus le progrès ralentit. Il y a un point optimal, bien sûr. Évidemment, si une seule personne travaille dans un domaine, il n’y a pas de progrès non plus. Mais lorsque les champs deviennent très vastes, ils commencent à ralentir parce qu’il y a trop de recherches disparates à intégrer. Les découvertes réelles ne sont pas remarquées. Elles sont noyées dans tout le bruit. Il devient très difficile de générer un consensus lorsque des milliers de chercheurs à travers le monde écrivent sur la même chose.
Et oui, il est très clair que nos institutions académiques sont devenues fondamentalement dysfonctionnelles de cette manière. Et cela s’ajoute à toutes les autres folies, bien sûr. Il y a toutes les folies politiques, les “head girls” et la mauvaise gestion.
Et en Amérique en particulier, l’appareil administratif des universités américaines est devenu si pléthorique, dans de nombreuses universités, bien plus que le corps professoral. Nous nous retrouvons dans une situation où il y a plus de personnes occupées à gérer l’université qu’à y enseigner. C’est vraiment fou. C’est pathologique à bien des égards. Mais voilà, en gros, mes idées sur le milieu universitaire.
Renaud Beauchard :
Si ça peut vous rassurer, c’est comme ça dans de très nombreux départements, et pas seulement en philologie. Pour ma part, j’enseignais en faculté de droit, et j’ai donc observé le même phénomène. Sur ce point, vous avez commencé à aborder un sujet qui est une constante dans votre travail : vous écrivez que nous avons assisté à une sorte de coup d’État dans l’université, qui a transféré le pouvoir des enseignants aux administrateurs. Et nous avons vu que la bureaucratie a été le principal moteur de la promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, alias le “wokeness”, dans le milieu universitaire américain. Il est estimé à cet égard que l’augmentation du nombre d’administrateurs à plein temps et autres professionnels administratif a été de 164 et 452% entre 1978 et 2018 dans les universités américaines. C’est incroyable. Et lorsque vous parlez de ce coup d’Etat, vous avez formulé tout un bestiaire de personnages qui sont venus envahir les universités. Vous en avez mentionné une en particulier : ce que vous appelez les “head girls.” Pouvez-vous nous en dire plus, d’abord peut-être développer davantage sur la propagation massive de la bureaucratie, et est-ce à la même échelle en Allemagne qu’aux États-Unis, et quelle est l’importance, dans ce drame en cours, des head girls ?
Eugyppius :
Je devrais préciser que le concept des head girls n’est pas de moi. L’homme qui l’a inventé, son nom m’échappe pour l’instant, mais il est aussi une sorte d’influence pour moi. [ Il s’agit de Bruce Charlton, NdT] Il écrivait un blog il y a une vingtaine d’années ou peut-être un peu plus longtemps, et il écrivait aussi sur les diverses pathologies du milieu académique.
J’ai découvert son travail après avoir fait des observations très similaires, et je les appelais autrement avant d’adopter son terme, car il était meilleur. Mais oui, les head girls sont séduisantes. Elles sont souvent sportives. Elles sont intelligentes, mais pas vraiment brillantes. Elles sont très sociales, et elles ne sont pas toujours des femmes, mais le plus souvent, ce sont des femmes. Il existe aussi des hommes qui correspondent à cet archétype.
Donc, les head girls sont très sociales, elles veulent s’entendre avec tout le monde, elles veulent travailler en équipe pour accomplir des choses. Elles adorent les réunions, et elles sont très présentes dans les postes de direction. Et de plus en plus, elles prennent le contrôle du milieu universitaires. Je dis toujours, bien sûr, que ces personnes très prosociales ont un rôle à jouer dans n’importe quelle institution. Mais il faut un équilibre entre les types de personnalités, et on ne peut pas avoir uniquement des head girls. Ce qui s’est passé, surtout dans les institutions américaines, c’est qu’elles ont été envahies par ces personnes.
Je me souviens qu’à l’université, la quantité de temps que vous passez dans des réunions, des comités, à parler de choses, est tout simplement scandaleuse. C’est une partie démesurée du travail. Vous vous asseyez, et il n’y a aucune raison pour cela. Je me souviens que dans la moitié des réunions, ou même plus, 80 à 90 % du temps, vous parlez avec ces personnes. Et vous réalisez que ce sont simplement des événements sociaux où elles se réunissent pour parler entre elles. Vous ne prenez pas vraiment de décisions. C’est juste une perte de temps immense, parce que les head girls aiment se réunir et parler des choses. C’est aussi parce qu’elles aiment se sentir occupées et aiment travailler.
Cela va complètement à l’encontre de la manière dont, selon moi, la recherche académique se fait. C’est-à-dire, s’asseoir seul dans une pièce, lire des livres complexes, essayer vraiment de résoudre un problème, parfois en fumant des cigarettes, en cherchant intensément. Et ce n’est pas du tout ce que font ces femmes. Elles s’engagent dans des rituels de consensus social et tout le reste. Et donc, plus il y a de head girls, moins vous pouvez accomplir de choses. Mais plus vous devenez occupé, parce qu’elles aiment travailler et multiplier les tâches. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je devais partir, sinon... Je ne me voyais pas à l’âge de 70 ou 80 ans, assis dans des réunions de comité, et mourir après une carrière entière de cela. Cela semble terrible. Mais les head girls sont un aspect très fondamental de la culture universitaire américaine.
Elles sont aussi en forte augmentation en Allemagne. Nous sommes un peu en retard. Ce n’est pas encore aussi terrible que là-bas. Mais les head girls sont surtout néfastes parce qu’elles répriment tous les aspects non consensuels. Elles sont très conciliantes. Et je pense qu’il est très important, pour les découvertes académiques, pour les idées, pour la littérature, pour toutes sortes de productions intellectuelles humaines, d’être non conciliant, de ne pas être d’accord avec les autres, d’avoir des idées originales et de valoriser les perceptions originales.
Et les head girls noient ces impulsions humaines fondamentales et très précieuses vers l’originalité, la dissension, et la rébellion intellectuelle. Certes, vous ne voudriez pas – tout est une question de mesure – qu’un département entier ou une université entière ne soit composée que d’hommes âgés, grognons, désagréables et rebelles. Ce serait terrible. Ca serait littéralement ingérable. Mais, en l’espèce, nous observons l’extrême opposé, avec, selon moi, des conséquences très graves pour l’accomplissement culturel et intellectuel.
Renaud Beauchard :
Je trouve en effet que le concept des head girls est très parlant. Vous avez également d'autres figures dans vos travaux. Par exemple, j'ai trouvé très intéressant que vous disiez que, particulièrement, le parti des Verts en Allemagne est en train de devenir un parti qui n'est plus "cool" parce qu'il est peuplé de schoolmarms, que l’on pourrait traduire par vieilles maitresses d’écoles acariâtres.
Eugyppius :
Oui. C’est un autre de mes personnages conceptuels. Les schoolmarms. Elles sont différentes des head girls.
Renaud Beauchard :
Alors comment les distinguez-vous ? Et qu’est-il arrivé aux Verts pour qu’il devienne un parti si peu "cool", un parti de vieilles maitresses d’école?
Oui, c’est un développement culturel très important. Cela est également lié au fait, un peu inattendu, que l’Alternative für Deutschland dégage une sorte d’énergie culturelle inattendue. L’AfD est devenue "cool". Les enfants, ou plutôt les adolescents trouvent cela "cool". Ils réussissent très bien sur les réseaux sociaux. Et cela a surpris jusque dans les rangs des leaders de l’AfD. Si vous écoutez ou parlez à leurs politiciens, cela les a en quelque sorte pris par surprise au cours des cinq dernières années. Mais c'est en quelque sorte subversif d’être “à droite”. C’est subversif. Vous n’êtes pas censé les aimer. C’est contre-culturel d’une certaine manière et les jeunes aiment ça.
Or c’est précisément la place culturelle qu’occupaient les Verts dans les années 70, et encore davantage dans les années 80. En Allemagne, ils portaient des jeans déchirés. Ils étaient présents aux manifestations anti-nucléaires. Ils faisaient partie d’un mouvement contre-culturel de gauche qui existait dans toute l’Europe sous différentes formes. Et ils étaient super "cool". Ils avaient cette énergie juvénile.
Et ils ont grandi. Ils sont devenus victimes de leur propre succès. Ils ont tous intégré l’establishment. Et ce qu’ils ont fait, surtout en Allemagne, c’est qu’ils ont tous envahi les écoles. Donc, les enseignants et les journalistes sont les deux domaines où les Verts pullulent. Ils sont partout, le "vertisme" y est omniprésent. Et si vous écoutez, si vous parlez à un adolescent à propos de ses devoirs au lycée ou autre, c’est tout simplement incroyable ce qu’ils doivent faire. Vous savez, ils écrivent des dissertations sur comment le dioxyde de carbone va faire fondre la planète en cinq ans. Nous sommes littéralement chez les fous. Les Verts ont transformé les écoles en asiles de fous. Et bien sûr, les enfants réagissent à cela. Vous savez, l’idéologie des maitresses d’école n’est pas "cool", non. Qui en voudrait ? Alors que les Verts étaient un parti de jolies femmes dans les années quatre-vingt, il est aujourd’hui un parti de vieilles mégères qui vous conspuent en permanence à propos de l’environnement. C’est fatigant. C’est nul. Personne n’aime ça. Ils ont perdu l’énergie culturelle qui les caractérisait. Et maintenant, les gens trouvent les Verts plutôt exaspérants.
S’ajoute à cela un autre phénomène, relevé dans une sorte d’article sociologique intéressant que j’ai lu, à propos de la façon dont les Verts représentent les positions de l’élite dans la société allemande. Ainsi, ils sont ce qui se rapproche le plus d’une idéologie d’élite. Toutes les personnes les plus riches professent un intérêt pour les idées vertes. Ils sont le parti de l’élite allemande, si tant est qu’on puisse en avoir une. Et cela signifie qu’ils passent leur temps à donner des leçons à toute la société parce qu’ils se sentent en droit de le faire. Les Verts sont des prescripteurs.
A cet égard, il y a une blague amusante qui court en Allemagne sur toutes les choses que les Verts ne veulent pas que vous fassiez ou ont proposé d’interdire. Quelqu’un a en effet compilé un site Web extrêmement amusant où il est fait état de Verts qui veulent interdire les voyages en première classe en avion, qui veulent interdire les lignes aériennes domestiques, qui veulent interdire les cabines de première classe dans les trains, qui veulent arrêter le stationnement en marche arrière, qui veulent interdire Internet sans fil, qui veulent interdire les téléphones portables. Toutes les choses que les Verts veulent interdire forment une liste interminable. C’est un parti dans lequel des politiciens régionaux et autres passent leur temps à donner des leçons aux gens, et c’est profondément agaçant. C’est maintenant un parti de vieilles maitresses d’école acariâtres.
Et on arrive au point où la presse ne peut plus vraiment leur donner du lustre, parce qu’ils sont tout simplement trop irritants. Ils sont toujours présentés comme super "cool" par les médias d’État allemands, etc. Mais on voit qu’ils ont des problèmes avec leur popularité. C’est un changement culturel. L’énergie s’est éloignée de la gauche parce qu’elle est l’establishment, et les enfants, les jeunes, n’aiment pas ça.
Renaud Beauchard :
Merci, merci beaucoup. Je pense que nous avons fait un virage complet maintenant. Nous sommes revenus à la politique allemande. Je pense que c’est probablement un bon moment pour mettre un terme à notre conversation. C’était absolument fascinant. Nous sommes très reconnaissants. Nous sommes très, très excités à l’idée de la traduction en français de cette interview. Et j’espère que beaucoup plus de gens auront l’occasion de vous découvrir et, le cas échéant, qu’un de vos prochains livres sera aussi traduit en français.
Eugyppius :
Ce serait merveilleux. Merci beaucoup.
Renaud Beauchard :
Eh bien, restons en contact. J’espère que vous deviendrez un invité régulier de ce podcast parce que c’était absolument fascinant. Et merci encore pour votre travail.
Eugyppius :
Merci beaucoup pour l’invitation. C’est un honneur d’apparaître et j’espère revenir bientôt.